Mortal Kombat au cinéma - Finish it!

Une chose est sûre pour nous, gamers : les adaptations de films tirés de notre support de loisir préféré sont rarement très réussies. Mais les longs métrages adaptés de licences de jeux suscitent pourtant souvent une certaine curiosité et on est parfois enclin à l’indulgence envers les nanars assumés.
En 1995, en portant Mortal Kombat à l’écran, Paul W. S. Anderson jouait à fond cette carte du « nanar » dans un film à petit budget (mais qui rapporta gros) emmené par Christophe Lambert et qui a gagné son statut de film culte avec le temps. Plus d’un quart de siècle plus tard, le réalisateur Simon McQuoid signe une nouvelle adaptation du jeu de kombat sur grand écran, officiellement distribuée en France en VOD à partir de ce 12 mai – en attendant une éventuelle sortie en salles si / quand les conditions sanitaires le permettront.

Nous avons pu visionner ce Mortal Kombat de 2021 – sans savoir à quoi s’attendre mais plein d’espoir après avoir vu des bandes annonces plutôt alléchantes et une scène d’ouverture (préalablement diffusée en ligne) à l’esthétique et à la mise en scène plutôt léchées.

Et force est d’admettre que la déception est à la mesure des attentes : pas énorme. Une fois de plus, le film pompe allègrement dans le fan service et les répliques cultes pour appâter les joueurs et faire des entrées, mais en oubliant la dimension cinématographique du projet.

Ca partait pourtant bien

Ca partait pourtant bien... Le film démarre sur un flash-back de la vie de Hanzo Hasashi (qui deviendra Scorpion, interprété par Hiroyuki Sanada qu’on a vu régulièrement dans des rôles de samouraïs), ici héritier d’une grande famille de ninja. Sa famille subit l’attaque Bi-Han (futur Sub-Zero, interprété par le spécialiste des arts martiaux Joe Taslim) et ses sbires.
La photo est belle dans les forêts du japon médiéval et la chorégraphie des combats est sympa, du moins pour l’affrontement entre Hanzo/Scorpion et Bi-Han/Sub Zero qui pose derechef les bases des techniques des deux kombattants (l’emblématique grappin du premier, la glace du second). Alors que Bi-han pense avoir rempli sa mission, à savoir éliminer la lignée de Hanzo Hasashi, elle perdurera finalement grâce à un nouveau-né caché avant l’attaque et que Raiden sauvera.

Puis retour au présent, on y découvre Cole Young (Lewis Tan, plutôt convaincant dans les rôles d’action), dépeint comme un ancien combattant de MMA sur le déclin qui gagne sa vie avec des combats à 200$.
La scène d’ouverture fait manifestement écho au premier opus de la série des Mortal Kombat : à l’époque, le jeu entendait se démarquer des autres jeux de combat par ses graphismes (presque) photo-réalistes (aux antipodes d’un Street Fighter à l’allure finalement très cartoon) et par son ton très mature avec ses combats conclus par des fatalities pleines d’hémoglobine. Le début du film affiche une rigueur de bon aloi, malgré des personnages dessinés à gros traits (le gentil Scorpion, le glacial Sub-Zero).

Puis ça part en vrille

Mais ensuite, ça commence vraiment à partir en sucette... Le film invente le personnage de Cole Young. Pourquoi pas – le scénario a besoin d’un nouveau combattant ignorant tout des usages du Mortal Kombat pour mieux l’expliquer au spectateur néophyte qui ne connait pas forcément la licence. Le personnage endosse donc le rôle du combattant élu pour le Mortal Kombat qui n’a rien demandé et qui se retrouve là par hasards (il est le descendant direct de Hanzo et n’a pas à gagner son « ticket d’entrée » en tuant un possesseur de la marque du dragon), caricature du bon père de famille dont la vie n’a pas été facile, belle gueule... et finalement assez insipide tant en terme de personnalité que de style de combat (c’est un combattant lambda qui n'a pas grand-chose pour lui).
Et il engendre un second problème : ce nouveau personnage occulte les rôles secondaires de la licence. Jax, Kano et surtout Sonya Blade apparaissent régulièrement à l’écran, mais restent très en retrait du personnage principal. Et ne parlons pas de Liu Kang, Kung Lao voire Mileena, Nitara ou même Shang Tsung qu’on ne voit que très peu – le film ne pose aucun contexte, aucune explication sur la guerre opposant l'Outre Monde (les forces menées par Shang Tsung) à la Terre que Raiden entend protéger avec les combattants du Mortal Kombat.

Mais la plus grosse fumisterie du film, c’est finalement qu’il n’y a pas de tournoi, pas de « Mortal Kombat ». Il est prévu pour une suite éventuelle (Joe Taslim aurait déjà signé pour cinq films). Ce Mortal Kombat n’est finalement qu’une introduction, prétexte à une série de duels entre les kombattants qui se préparent, s’entrainent, cherchent leur pouvoir respectif en tant qu’élus, ou sous des prétextes cousus de fils blanc après des rebondissements hasardeux... mais jamais dans le cadre du Mortal Kombat. Comme ça, juste pour le fun...
Alors certes, certaines chorégraphies sont belles et les effets spéciaux plutôt réussis (le Goro en 3D avec ses quatre bras) et les références aux jeux sont légions (Finish Him!), mais bon nombre de combats paraissent bien vite expédiés, sans grand suspens quant à l’issu des affrontements – et donnant souvent le sentiment de n’être là que pour les fatalities.

Au final, Simon McQuoid nous propose un film réunissant quelques spécialistes du cinéma d’action mais qui s’articule autour d’un personnage principal plutôt falot, qui fait la part belle au fan service qui titillera la fibre nostalgique des uns mais horripilera les autres, et qui joue surtout sur la frustration du spectateur, laissé sur un sentiment d’inachevé faute de Mortal Kombat... à venir « plus tard ». Ou quand le cinéma s’inspire des DLC pay-to-win du jeu vidéo ?

Le film Mortal Kombat est distribué en VOD sur les plateformes iTunes, Apple TV, Amazon, Prime Video, Google Play, YouTube, Sony PlayStation, Microsoft Xbox, Rakuten TV, Orange, CanalVOD, Bbox Bouygues, SFR, UniversCine, Filmo TV et Video Futur.