Critique : billet sur l'ouvrage Plongée dans le réseau: Ghost in the Shell

Couverture de l'édition First Print

Si Ghost in the Shell* est une oeuvre (re)connue au moins de nom, elle n'est pas des plus aisées à aborder et encore moins à saisir. A sa genèse, l'auteur japonais Masamune Shirow a prépublié le premier volet de son manga dans le Young Magazine en 1989. Deux autres volets arriveront dans les années 90, dont les versions françaises ont été publiées par Glénat. Plusieurs adaptations vont suivre, avec notamment les films d'animation réalisés par Mamoru Oshii, les séries d'animation Stand Alone Complex et Arise qui seront à leur tour adaptées en manga, sans compter le film live de Rupert Sanders avec Scarlett Johansson dans le rôle du major Kusanagi. On compte également quelques adaptations en jeu vidéo, dont un Ghost in the Shell Online, un MMO qu'il est préférable d'oublier.

Et pour mieux appréhender cette licence foisonnante, les éditions Third Editions viennent de publier l'ouvrage Plongée dans le réseau: Ghost in the Shell de Rémi Lopez, titulaire d'une Licence en langue japonaise et civilisation japonaise et passionné du RPG. Chez le même éditeur, il s'est déjà attelé à d'autres oeuvres telles que Final Fantasy, Persona, Cowboy Bebop, Chrono Trigger ou Akira. Le dernier en date concernant Ghost in the Shell est disponible sur un format 160 x 240 mm en deux éditions : First Print avec une jaquette réversible, un ex-libris ainsi qu'un format numérique au prix de 34,90 € et une seconde classique avec une couverture cartonnée au prix de 29,90 €.

Plongée dans le réseau: Ghost in the Shell

Stand Alone Complex

Dans son ouvrage, l'auteur Rémi Lopez va décrire le processus de création de cet ensemble formé par Ghost in the Shell, tout en approfondissant les thématiques abordées. On survole l'histoire contemporaine du Japon pour saisir une partie de la toile de fond, tout comme les pérégrinations de l'auteur et réalisateurs des différentes composantes de la franchise. Et quand il est question de la conscience à l'heure de la cybernétique et du posthumanisme, tout un volet de ce livre basculera sur le registre de la philosophie, raisonnant différemment selon le coin du globe sur lequel on vit.

La raison d'être de ce type d'ouvrage est bien de prendre de la hauteur par rapport à une oeuvre, pour mieux s'y (re)plonger. Pour ma part, j'ai juste eu envie de reprendre l'ensemble de cette franchise pour avoir consulté cet ouvrage, afin de l'aborder avec un oeil neuf à défaut d'un implant plus performant.

Prendre le temps de saisir une oeuvre

Quand la tendance actuelle est plus de laisser un algorithme choisir à notre place tout en se laissant entrainer par un défilement automatique, il est bon de s'arrêter un peu pour prendre conscience de la valeur de ce que l'on regarde à loisir. Le risque est bien de diluer l'intérêt de la chose quand on le noie dans l'immensité du cyberespace. Du coup, on en oublierait presque de prendre un peu de temps pour se poser et réfléchir à quelques questions existentielles, dont ce qui va définir l'humanité. Le livre Plongée dans le réseau: Ghost in the Shell est un support intéressant dans ce but, basé évidemment sur les différentes oeuvres composant la franchise, mais aussi des ouvrages, entretiens ou articles traitant de Ghost in the Shell et de ses thématiques. On peut ainsi retrouver du Journal du Geek que du Kant ou du Koestler dans la bibliographie.

Arise

L'ironie de ce livre est peut-être de détailler autant -- avec 320 pages au compteur -- une oeuvre basée sur les mangas de Masamune Shirow, tout en lui reprochant -- à juste titre -- de noyer le lecteur dans d'innombrables détails. L'oeuvre originelle de Ghost in the Shell était loin d'être accessible voire opaque, une volonté de l'auteur que l'on découvre ici, tout comme son évolution vers des planches de plus en plus affriolantes afin de poursuivre ses propres désirs. Masamune Shirow est le véritable créateur d'un monde, pour ensuite le laisser entre d'autres mains. Quand on passe du manga de Shirow au dyptique de Mamoru Oshii ou la série d'animation Stand Alone Complex de Kenji Kamiyama, on réalise la liberté prise pour l'adaptation qui parvient bel et bien à transcender l'oeuvre originelle. Et c'est à ce même titre que je saisi mieux à quel point le film réalisé par Rupert Sanders, bien que visuellement magnifique, est tout simplement passé à côté de l'essence de Ghost in the Shell.

Conclusion

Avec une écriture accessible, Rémi Lopez nous invite à découvrir une franchise à la fois diffuse et éparse, parfois opaque et souvent lumineuse. Ghost in the Shell est une référence de la science-fiction du genre cyberpunk, invitant comme souvent à se poser de bonnes questions sur l'évolution de notre monde. Pour les adeptes de la franchise souhaitant approfondir leurs connaissances ou les curieux qui n'ont jamais su par quel voie rejoindre cette nébuleuse, je ne peux que recommander le livre Plongée dans le réseau: Ghost in the Shell. Mon seul regret est l'absence d'illustrations qui auraient donné encore une autre perspective.

* Ghost in the Shell est un manga se déroulant dans les années 2030. Le personnage principal est le major Motoko Kusanagi, un cyborg faisant partie d'une section d'élite anticriminelle de la police, la section 9. Astérisque en hommage à Masamune Shirow, mais en version courte.